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La flore intestinale dans la maladie et la santé

Dr. Schär Institute Microbiome intestinale Intolérance au gluten
À mesure que de nouvelles découvertes et de meilleures techniques d'analyse émergent, nous connaissons de mieux en mieux les bactéries intestinales. Il apparaît de plus en plus clairement que le type et la quantité relative de bactéries présentes dans notre tube digestif jouent un rôle important, tant chez les sujets malades que chez les sujets sains.
Les entreprises de biotechnologies investissent davantage dans des technologies permettant de cibler ce « microbiome » en tant que modérateur potentiel de notre santé intestinale et de notre système immunitaire inné. L'augmentation de la prévalence des maladies à médiation immunitaire et des troubles neurologiques ne peut être expliquée par des transformations de la génétique humaine. [1] La dysbiose et la perte de diversité sont désormais communément associées à ces maladies lorsque nous interrogeons notre « autre génome » à la recherche d'indices. Grâce au travail entrepris en méta-génomique, il est apparu clairement qu'une plus grande diversité bactérienne ou « richesse génétique » était étroitement associée à une meilleure santé.

De quelles espèces est composé le microbiome ?

Bien qu'il existe une grande variabilité inter-individuelle à l'échelle de notre espèce – la plupart des gens abritent environ 160 espèces parmi quelques 1 000 existantes –, les phyla représentées dans le microbiome sont assez peu nombreuses. Qin et. al. (2010) ont ainsi repéré un noyau de bactéries présentes chez tous les êtres humains. Trois principaux entérotypes ont été identifiés pour le microbiome humain. [2] Les marqueurs permettant de caractériser à quel type de microbiome appartient un sujet sont les Bacteroides, Prevotella et Ruminococcus (cette dernière famille est, de plus, associée à la présence de Methanobrevibacter). [1]

Fonctions

Les fonctions de notre microbiote intestinal (ou flore intestinale) ne sont pas encore toutes identifiées, mais nous en connaissons quelques dimensions centrales : signal et modulation immunitaires ; production de messagers du système nerveux ; production de vitamines essentielles ; régulation du métabolisme lipidique ; production d'acides gras volatils et en particulier de butanoate (acide butyrique), ainsi que d'acides gras ramifiés. En fonction du substrat qui se trouve en fermentation, on peut également retrouver dans le microbiome de l'hydrogène, du dioxyde de carbone, du méthane, de l'ammoniac, des amines et des composés phénoliques. [3]

La symbiose entre les êtres humains et leur flore intestinale est de plus en plus évidente. Le terme de « super-organisme » a été créé pour décrire la manière dont on considère désormais le corps humain davantage comme un organisme agglomérant notre propre transcriptome ainsi que le transcriptome plastique et beaucoup plus étendu du microbiote intestinal. Les gènes encodés par notre flore intestinale sont cent fois plus nombreux que les nôtres propres. [4] Il n'est donc pas surprenant que beaucoup de recherches sur les causes, la prévention et le traitement des maladies portent désormais sur cet « autre génome ».

Le système nerveux entérique (SNE) est parfois présenté dans la littérature scientifique comme notre « second cerveau ». Ceci s'explique par le fait qu'il soit constitué de plus de 200 millions de neurones. [5] Le SNE envoie des signaux de l'intestin vers le cerveau par le biais de voies afférentes endocriniennes, neuronales et immunitaires. [5] De plus, le tissu lymphoïde associé au tube digestif (ou GALT pour « Gut-associated lymphoid tissue »), qui reçoit et répond régulièrement aux signaux émanant du lumen intestinal, est considéré comme le principal organe de défense de notre corps contre les infections. [5]

La combinaison d'interactions entre le SNE, le microbiome et le GALT peut avoir des effets potentiels sur notre bien-être physique, immunologique et émotionnel.

Comment se développe le microbiome ?

Le microbiome se construit dès la naissance. Le mode d'accouchement et l'alimentation infantile influent sur le développement initial du microbiome. Le sevrage et l'environnement (rural ou urbain) de l'enfant influencent probablement le développement du microbiome à maturité. Des études portant sur des groupes de population isolés en Afrique montrent une colonisation bactérienne unique et distincte de celle d'une cohorte occidentale, montrant ainsi que l'environnement est un facteur particulièrement puissant de colonisation. [6] Des études portant sur des jumeaux ont également révélé qu'au moins pour certaines catégories, il existe une nette influence génétique sur l'abondance des espèces. [7] Les conjoint-e-s des jumeaux monozygotes présentaient également des corrélations positives, ce qui alimente l'idée que tant la nature que la culture affectent la richesse génétique du microbiote intestinal. [8]

Chez le sujet âgé, le microbiome se transforme à nouveau, bien que les raisons de ce changement ne soient pas très claires. On observe une réduction des bactéries produisant de l'acide butyrique et une variété génétique amoindrie. Les personnes âgées vivant encore dans leurs communautés conservent une plus grande richesse génétique, probablement du fait d'un régime plus varié, que celles qui vivent en institution. [9]

Comment les changements nous affectent-ils ?

La dysbiose est associée à plusieurs situations pathologiques. [3] Un récent état de la littérature expose les maladies spécifiques et les altérations de populations bactériennes qui leur sont associées. [4] De nouvelles technologies ont permis de développer une « empreinte bactérienne » pour certaines pathologies, laquelle pourrait constituer un outil diagnostique puissant et non invasif, mais aussi une cible thérapeutique potentielle dans le traitement de ces maladies.

Les recherches portant sur l'obésité montrent que les sujets présentant une richesse génétique réduite ont également un tissu adipeux plus important, une plus grande résistance à l'insuline, une dyslipidémie accrue et un phénotype inflammatoire plus prononcé. [10] Ces sujets ont également eu tendance à prendre plus de poids sur le long terme. Goodrich et al (2014) apportent un éclairage sur l'hérédité de microbiomes obésogènes et l'influence potentielle de méthanogènes et de Christensenella spp. sur les troubles métaboliques.

Les études sur les nourrissons présentant une prédisposition génétique à la maladie coeliaque montrent une diminution des actinobactéries (dont la Bifidobacteria) et une augmentation des Firmicutes et des Proteobacteria spp. [11] Cela dit, un lien déterminant entre altérations microbiennes et développement de la maladie coeliaque n'a pas été prouvé. [12]

Une dysbiose a pu être identifiée par le séquençage du microbiome dans le cas du syndrome de l'intestin irritable (SII). [13] D'autres études ont mis en évidence des différences avérées dans les bactéries intestinales pour différents types de SII chez des populations luminales ou des surfaces mucosales. [14-16] Une récente étude pilote en pédiatrie a montré que le microbiome pouvait indiquer la probabilité qu'un régime pauvre en FODMAP agisse efficacement sur les symptômes. [17]

Qin et al (2012) ont repéré des comportements antagonistes entre bactéries bénéfiques et dangereuses dans le diabète de type 2. Une réduction des bactéries productrices de butyrate peut constituer un indicateur de risque accru de comorbidités associées à l'obésité. [18]

Comment peut-on améliorer le microbiome?

Les recherches en diététique ont montré que manipuler l'alimentation altère puissamment le microbiome, [19] ce qui fait d'elle un champ prometteur. Nourrir le porteur et sa flore intestinale est la voie évidente par laquelle on peut manipuler le microbiote. Un régime riche en protéines et en lipides est associé à l'entérotype Bacteroides, tandis qu'un régime riche en glucides correspond à l'entérotype Prevotella. [20] Il a été prouvé que des modifications alimentaires à court terme (dix jours) pouvaient changer la composition du microbiome mais non affecter de manière significative l'identité de l'entérotype. Les quantités de Faecalibaterium prausnitzii, Bifidobacterium et Clostridium cluster XIVa ont été augmentées par un apport supplémentaire riche en fibres, et ces trois groupes sont ceux qui sont généralement associés à une meilleure santé. [1,21]

D'autres recherches ont montré sans ambigüité que les prébiotiques et probiotiques sont, à différents degrés, utiles pour promouvoir les bifidobactéries et lactobacilles bénéfiques à la santé. Plusieurs études ont mis en évidence les mécanismes par lesquels différentes espèces de Lactobacilli et Bifidobacteria non seulement produisent des effets bénéfiques sur le porteur, mais inhibent également l'attachement et l'activité d'entéropathogènes invasifs (citées dans). [4] Peut-être la supplémentation en prébiotique comme en probiotique ciblera-t-elle à l'avenir davantage de types de bactéries (telles qu'Akkermansia mucinophila et Christensenella minuta). [4]

La transplantation du microbiote fécal est une autre technique permettant de corriger rapidement un microbiome perturbé. Des essais cliniques sur des patients infectés par un C.diff incurable ont eu pour l'instant des résultats prometteurs. La transplantation du microbiote fécal d'un donneur sain a permis une amélioration de la résistance à l'insuline chez les patients souffrant d'un syndrome métabolique [22] – venant ainsi en renfort de la notion de plus en plus répandue selon laquelle la dysbiose joue un rôle majeur dans le développement des troubles liés à l'obésité.

Des stratégies antimicrobiales de modulation du microbiome peuvent avoir un potentiel thérapeutique à l'avenir ; néanmoins, à l'heure actuelle, nos connaissances sur leur efficacité dans ce domaine se fondent sur des modèles animaux (recherches effectuées sur des souris), et ne peuvent donc constituer une stratégie recommandée. [4] Un régime varié et équilibré, alliant l'ensemble des groupes alimentaires, devrait être recommandé pour fournir des substrats diversifiés et réduire le risque qu'une espèce défavorable devienne dominante dans l'intestin. En ce qui concerne les perturbations du microbiome provoquées par les antibiotiques ou par un épisode de gastro-entérite, les prébiotiques et probiotiques seront probablement efficaces et leur usage est considéré comme sûr pour la population générale. Un diagnostic des selles capable de détecter une baisse de la diversité peut s'avérer un bon outil pour prédire précocément les maladies et mettre en œuvre des mesures préventives.
Auteur
BRIDGETTE WILSON BSC, MSC, PGDIP, RD.
Chercheuse en diététique, King’s College de Londres. Bridgette est doctorante au King’s College de Londres et diététicienne agréée. Bridgette a obtenu un bachelor en biologie et un master en biologie moléculaire avant de se former à la diététique. Après avoir travaillé pour le service national de santé britannique, Bridgette a choisi de retourner à la recherche pour explorer le domaine de la gastro-entérologie. Elle travaille actuellement dans l'équipe du professeur Kevin Whelan et du Dr. Miranda Lomer au King's College de Londres et poursuit ses recherches sur les interventions diététiques pour traiter le syndrome de l'intestin irritable.
Bibliographie
  1. Blottiere, H.M., et al., Human intestinal metagenomics: state of the art and future. Curr Opin Microbiol, 2013. 16(3): p. 232-9.
  2. Qin, J., et al., A human gut microbial gene catalogue established by metagenomic sequencing. Nature, 2010. 464(7285): p. 59-65.
  3. Roberfroid, M., et al., Prebiotic effects: metabolic and health benefits. British Journal of Nutrition, 2010. 104(S2): p. S1-S63.
  4. Walsh, C.J., et al., Beneficial modulation of the gut microbiota. FEBS letters, 2014. 588(22): p. 4120-4130.
  5. Al Omran, Y. and Q. Aziz, The brain-gut axis in health and disease, in Microbial Endocrinology: The Microbiota-Gut-Brain Axis in Health and Disease. 2014, Springer. p. 135-153.
  6. De Filippo, C., et al., Impact of diet in shaping gut microbiota revealed by a comparative study in children from Europe and rural Africa. Proceedings of the National Academy of Sciences, 2010. 107(33): p. 14691-14696.
  7. Goodrich, J.K., et al., Human genetics shape the gut microbiome. Cell, 2014. 159(4): p. 789-799.
  8. Nelson, K.E., et al., Metagenomics of the human body. 2011: Springer.
  9. Claesson, M.J., et al., Composition, variability, and temporal stability of the intestinal microbiota of the elderly. Proceedings of the National Academy of Sciences, 2011. 108(Supplement 1): p. 4586-4591.
  10. Le Chatelier, E., et al., Richness of human gut microbiome correlates with metabolic markers. Nature, 2013. 500(7464): p. 541-546.
  11. Olivares, M., et al., The HLA-DQ2 genotype selects for early intestinal microbiota composition in infants at high risk of developing coeliac disease. Gut, 2014: p. gutjnl-2014-306931.
  12. McLean, M.H., et al., Does the microbiota play a role in the pathogenesis of autoimmune diseases? Gut, 2014: p. gutjnl-2014-308514.
  13. Rajilic-Stojanovic, M., et al., Global and deep molecular analysis of microbiota signatures in fecal samples from patients with irritable bowel syndrome. Gastroenterology, 2011. 141(5): p. 1792-801.
  14. Saulnier, D.M., et al., The intestinal microbiome, probiotics and prebiotics in neurogastroenterology. Gut Microbes, 2013. 4(1): p. 17-27.
  15. Parkes, G.C., et al., Distinct microbial populations exist in the mucosa-associated microbiota of sub-groups of irritable bowel syndrome. Neurogastroenterology & Motility, 2012. 24(1): p. 31-39.
  16. Sundin, J., et al., Altered faecal and mucosal microbial composition in post-infectious irritable bowel syndrome patients correlates with mucosal lymphocyte phenotypes and psychological distress. Aliment Pharmacol Ther, 2015. 41(4): p. 342-51.
  17. Chumpitazi, B.P., et al., Gut microbiota influences low fermentable substrate diet efficacy in children with irritable bowel syndrome. Gut microbes, 2014. 5(2): p. 165-175.
  18. Qin, J., et al., A metagenome-wide association study of gut microbiota in type 2 diabetes. Nature, 2012. 490(7418): p. 55-60.
  19. Cotillard, A., et al., Dietary intervention impact on gut microbial gene richness. Nature, 2013. 500(7464): p. 585-8.
  20. Wu, G.D., et al., Linking long-term dietary patterns with gut microbial enterotypes. Science, 2011. 334(6052): p. 105-108.
  21. Shen, Q., L. Zhao, and K.M. Tuohy, High-level dietary fibre up-regulates colonic fermentation and relative abundance of saccharolytic bacteria within the human faecal microbiota in vitro. European journal of nutrition, 2012. 51(6): p. 693-705.
  22. Vrieze, A., et al., Transfer of intestinal microbiota from lean donors increases insulin sensitivity in individuals with metabolic syndrome. Gastroenterology, 2012. 143(4): p. 913-6.e7.
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